Le bien-être au travail et la préservation de la santé mentale en milieu professionnel sont devenus les enjeux majeurs des entreprises et organisations syndicales. La charge mentale au travail est la conséquence de plusieurs facteurs qui, en interagissant entre eux, affectent le psychisme de la personne qui en est victime. Les conséquences se manifestent de diverses manières en fonction des individus, allant de l’absentéisme jusqu’au burn-out, dont les issues sont parfois dramatiques. La prévention et la prise en charge de la souffrance au travail passe donc en premier par l’identification de situations de stress.
Les questionnaires : des outils clé pour décrire la charge mentale
Dans son article L4121-1 et alinéas suivants, le Code du travail stipule que les employeurs doivent prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé physique et mentale des salariés.
Pour mesurer leur santé mentale, on analyse leurs réponses à des questionnaires portant sur leurs conditions de travail. Ces questionnaires comportent des items choisis, aussi factuels que possible. La combinaison de plusieurs indicateurs et le recoupement de plusieurs réponses sur une thématique identique permettent de mettre en évidence des situations professionnelles stressantes et de détecter les situations de surcharge mentale urgentes. Un excès de charge mentale peut conduire à une crise profonde, responsable de risques psychosomatiques.
Parmi les principaux modèles de mesure utilisés pour mesurer la santé mentale au travail et le degré de stress professionnel, on distingue les modèles de Karasek et de Siegrist. Ces modèles dominent actuellement pour leur capacité à mettre en exergue des symptômes de mal-être ou de crise et à évaluer les menaces psychosociales d’un environnement professionnel.
Le questionnaire de Karasek : évaluer le job strain
Robert Karasek, professeur de psychosociologie au département Travail et Environnement de l’Université Lowell au Massachusetts, est considéré comme celui qui a réussi à corréler le milieu de travail et le stress en 1979. Le questionnaire de Karasek est un outil de mesure des facteurs psychosociaux et de la souffrance au travail (job strain). Il s’agit d’un questionnaire visant à évaluer d’une manière générale la santé mentale en milieu professionnel. Les résultats obtenus vont aider à faire le lien entre la manière dont est vécu le travail et les risques que ce dernier fait courir à la santé.
Selon Karasek, constitue une situation à risque pour la santé la combinaison :
- d’une exigence de travail élevée ;
- d’une latitude décisionnelle faible (marge de manœuvre dans la manière de faire son travail et de prendre part aux décisions) ;
- de l’absence de soutien social émanant de l’équipe de travail ou de la hiérarchie.
Le questionnaire de Karasek porte donc sur trois volets de l’environnement psychosocial professionnel :
- la demande psychologique ;
- la marge de manœuvre en matière de décisions ;
- le soutien reçu.
Le questionnaire repose sur 26 affirmations (9 pour la demande psychologique, 9 pour la latitude donnée à la décision, 6 pour le soutien). Le salarié doit, pour chacune d’elle, exprimer son accord ou son désaccord. Les réponses vont dégager un score allant de 1 à 4.
Exemple d’item : « Mon travail me permet-il de prendre des décisions moi-même ? »
(phrase extraite du questionnaire)
Réponses possibles :
- Fortement en désaccord : score égal à 1
- En désaccord : score égal à 2
- D’accord : score égal à 3
- Tout à fait d’accord : score égal à 4
Un outil pour réduire la charge mentale au travail ?
Le questionnaire de Siegrist : la mesure du déséquilibre efforts/récompenses
Ce modèle de mesure est développé à partir de 1986 par Johannes Siegrist professeur principal de recherche sur le stress au travail à l’Université de Düsseldorf en Allemagne. Siegrist identifie le déséquilibre entre les efforts que fournit une personne dans l’accomplissement de ses tâches et la reconnaissance reçue en retour comme étant une source de tensions pathogènes pouvant conduire au burn-out.
Le questionnaire de Siegrist est souvent associé à celui de Karasek. Il intègre à la fois un questionnaire qui évalue le ratio efforts/récompenses et un questionnaire qui mesure l’importance du surinvestissement dans le travail. Le surinvestissement, selon Siegrist, se caractérise par des difficultés à s’éloigner du travail, à se relaxer et à faire le vide une fois de retour dans la sphère privée.
Le questionnaire de Siegrist porte sur les trois dimensions psychosociales suivantes :
- les efforts extrinsèques représentant les contraintes et exigences liées au travail (contraintes de temps, responsabilité, charge physique, demandes toujours plus importantes ou en urgence, perturbations dans le travail) ;
- les récompenses au niveau du salaire, de l’estime, de l’évolution interne (promotions), de la pérennité de l’emploi ;
- les conséquences et manifestations liées à un engagement excessif dans le travail (anxiété, irritabilité, hostilité, besoin d’approbation, incapacité à se détacher du travail, compétitivité).
Le questionnaire de Siegrist se décline en deux versions, une longue et une courte. La version longue comporte 46 items contre 23 items pour la version courte. Dans cette dernière, la mesure du surinvestissement au travail a été raccourcie. Comme pour le questionnaire de Karasek, chaque score obtenu permet de dégager un résultat.
Exemple de question portant sur le surinvestissement : Le travail me trotte encore dans la tête quand je vais me coucher le soir : (phrase extraite du questionnaire) :
- Pas du tout d’accord : score égal à 1
- Pas d’accord : score égal à 2
- D’accord : score égal à 3
- Tout à fait d’accord : score égal à 4
Quelles solutions pour prévenir la charge mentale au travail ?
Quelles peuvent être les solutions contre la charge mentale au travail ? De bonnes pratiques de management influencent directement la charge mentale des équipes. La satisfaction de tous entraîne de fait une meilleure productivité. Tous les acteurs de l’entreprise y trouveront leur compte.
Parmi les bonnes initiatives managériales à adopter, on citera :
- Savoir repérer les premiers signes comme des changements de comportement de la personne (altération de la vigilance, irritabilité, violence, isolement).
- Donner des marges de manœuvre et plus d’autonomie dans les décisions et la réalisation des tâches.
- Tenir compte de la charge réelle de travail en instaurant des moments d’échange, d’interventions avec l’équipe pour discuter collectivement des problèmes et revoir si nécessaire les organisations.
- Encourager l’entraide et le soutien en cas de besoin. L’instauration de feed-back ou l’apport d’une deuxième personne en soutien peuvent être des solutions.
- Redonner la maîtrise de son temps au salarié et limiter les situations de perturbations. Trop de réunions ou d’appels empêchent une bonne concentration et une avancée sereine du travail.
- Savoir communiquer en toute transparence, nouer une relation de confiance.
- Reconnaître le travail fourni, les efforts, les difficultés rencontrées, etc.
- Apprendre à déléguer. En effet, le dernier point sur lequel le manager doit travailler c’est celui de sa propre santé mentale. Soumis à de nombreux objectifs, il doit aussi veiller à préserver ses collaborateurs de la pression qu’il subit lui-même !